roue orbitale

 

Un designer de génie : Franco Sbarro.

Un grand cigarettier avait décidé, il y a quelques années de cela, de relooker le « packaging » d’une de ses marques distribuée uniquement au Moyen-Orient. A cette occasion, il souhaitait présenter quelques voitures exceptionnelles, lors du lancement du nouveau paquet qui devait avoir lieu à Koweit City, puis à Djedda, en Arabie Saoudite. Je fus choisi par la marque pour trouver, puis amener trois concepts cars à ces manifestations.

Logiquement, je commençai mes recherches au salon de Genève, réputé pour les modèles exceptionnels qui y sont généralement présentés. Après m’être fait (difficilement !) accréditer, j’eus le grand privilège de pouvoir m’y rendre, lors de la journée réservée à la presse.

Déambulant dans les allées, je tombai rapidement sur le stand de Franco Sbarro, personnage haut en couleur. Italien, installé en Suisse en 1957, possédant également une école de stylisme en France, il fût en son temps, mécanicien en chef, puis manager de la fameuse écurie helvète « Filipinetti », fondée en 1962 par Georges Filipinetti, pour soutenir l’espoir Jo Siffert, qui débutait alors sa carrière internationale (voir plus loin).

Franco me reçut très aimablement sur son stand, et, lorsque je lui eus exposé le but de ma visite, m’invita à venir visiter son antre, située à Grandson, près d’Yverdon-les-Bains. Ce que je fis, quelques semaines plus tard.

Sa maison, située sur les hauteurs de la petite ville du canton de Vaud, offre une vue imprenable sur le lac de Neuchâtel. Un grand hangar jouxte la villa. Il m’y entraîne rapidement. La visite débute par l’alignement d’une série de prototypes, parfois inachevés ou recouverts de poussière. Mais le second hall est celui dans lequel bat le cœur de son entreprise. Il me présente un projet, en plein montage. Il est destiné au centre de design de Citroën, qui a demandé à Franco de plancher sur quelques solutions originales, qui se retrouveront, un jour sans doute, sur un futur modèle de la marque aux chevrons.

Sbarro se dirige ensuite vers un drôle d’engin auquel, apparemment, il tient beaucoup : la « Roue Orbitale » !  Le concept est simple : pourquoi ne pas utiliser l’espace intérieur d’une roue surdimensionnée, pour y placer un moteur, en libérant par la même occasion de l’espace de confort, utilisé précédemment comme compartiment moteur ?

Mais transformer une idée un peu folle en réalisation concrète, est une autre paire de manches ! Le designer s’adresse alors à la firme OZ, célèbre fabricante italienne de jantes. Celle-ci conçoit pour lui une roue géante, dans laquelle il loge ensuite un moteur Yamaha. (Photo 1).

 

Roue Orbitale

Franco Sbarro et sa « Roue Orbitale »

Ce principe pouvant s’appliquer à plusieurs types de véhicules, Sbarro présente au Salon de Genève de 2003 deux modèles dans lesquels il est implanté : une moto et une voiture.

Peu après, il vend ses brevets, et fin 2008 le manufacturier de pneumatiques Michelin présente un modèle de roue similaire, muni toutefois d’un moteur électrique, preuve, s’il en est besoin, que cette invention est remarquée dans le monde industriel…

Après cette visite surprenante, Franco m’invite à aller prendre un café au château de Grandson, au bord du lac. (Photo 2)

 

Château Grandson

Photo 2 : Le Château de Grandson.

Il m’explique que cette bâtisse (dont les premiers écrits qui témoignent de son existence, datent de 1100), outre sa place dans l’histoire de la nation Suisse, fût acquit en 1956 par Georges Filipinetti, qui en fît le siège de son écurie éponyme entre 1962 et 1973. Ce fût donc durant plusieurs années, son lieu de travail quotidien. Il y côtoya les plus grands pilotes de l’époque : outre Jo Siffert, Jim Clark, Phil Hill, Willy Mairesse, Ronnie Peterson, Herbert Müller, Jo Bonnier, Nino Vaccarella, Dieter Spoerry, Vic Elford et Mike Parkes entre autres, fréquentèrent eux aussi ces lieux historiques. C’est là par ailleurs, qu’il construisit sa première voiture (et sans doute pas la plus jolie de sa création !) : le coupé Filipinetti . Franco quitte le château en 1968, pour créer ACA, et voler de ses propres ailes. (Photo 3)

 

Filipinetti coupé 1968

La Filipinetti Coupé, première « œuvre » de F. Sbarro

Né à Genève en 1906, Filipinetti avait repris les activités de son père, dans l’équipement automobile, et devint, après la guerre, l’importateur Ferrari pour la Suisse. On raconte même qu’il en vendit une à l’Aga Khan, dont il devint ensuite l’ami.

Il créa dans le sous-sol du château, un musée de l’automobile, où certaines des voitures de l’écurie côtoyaient dans le temps, une Rolls-Royce Phantom blanche (restaurée par Sbarro) et une Austin limousine 10HP de 1938, ayant appartenue à Winston Churchill ! (Photo 4)

 

Austin

L’Austin limousine 10HP de 1938 ayant appartenue à Winston Churchill.

 

Malheureusement, les voitures de course ont été vendues après le décès du mécène.

Diabétique, l’industriel suisse décéda en effet en 1973, ruiné, et sa famille revendit le château à une fondation, qui ré-ouvrit le château au public en 1983.

C’est sur cette évocation qui m’avait fait  voyager du Moyen-âge au futur, que je quittai à regret, le chaleureux designer italien.

N.B. :

1. Joseph Siffert rompt son contrat avec l’écurie Filipinetti le 28 mai 1963, pour créer sa propre structure, le Siffert Racing Team.

2. En cette année 2014, Franco Sbarro présente au salon de Genève (où il est présent depuis 40 ans !) une replica « à sa mode » de la Bugatti Royale, voiture mythique, qu’Ettore Bugatti construisit alors qu’il avait à peine 18 ans ! Je vous en reparlerai bientôt. (Photo 5)

 

Bug3

la Bugatti Royale « Replica » de F. Sbarro au salon de Genève 2014.

3. Pour la petite histoire, je ne retiendrai finalement aucun « concept car » Sbarro pour l’exposition du Moyen-Orient… Je vous en reparlerai.

© Lucien Beckers (sources : purotuning.com/sbarro.pero.neuf.fr/auto24.ee/château-grandson.ch - Inconnu).

 

Le palmarès de l’Ecurie Filipinetti.

1962: 27ème - Championnat du Monde de Formule 1 – Joseph Siffert/Lotus 21 Climax L4 – Lotus BRM V8

1963:

500kms de Spa: 3éme – Joseph Siffert - Ferrari 250 GTO

1000 km Nürburgring: 12éme – Kühner/Schiller - Porsche 356B Abarth

1964 :

500kms de Spa : 2éme - Lorenzo Bandini - Ferrari GTO

1000 km Nürburgring : 6éme – Müller/Knörr – Porsche 904 GTS

24 h du Mans : 11éme Müller/Sage – Porsche 904 GTS

12 h Reims : 12éme – Müller/Knörr – Porsche 904GTS

1965 :

1000 km Nürburgring : 22éme Ettmüller/Harper – Ferrari 250LM

24 h du Mans : 6éme Spoerry/Boller – Ferrari 250LM

1966 :

1000 km Monza : 3éme – Müller/Mairesse – Ford GT40

Targa Florio: 1er – Mairesse/Müller – Porsche 906 (Photo 6)

 

148

la Porche 906 « Filipinetti » victorieuse à la Targa Florio 1966 (Mairesse/Müller).

1000 km Nürburgring: 9éme Mairesse/Müller – Ferrari 250LM

1967:

12 h Sebring: 49éme – Klass/Müller – Ferrari Dino 206S

1000 km Monza : 4éme – Vaccarella/Müller – Ferrari 412P

24 h du Mans : 11éme Steinmann/Spoerry – Ferrari 275 GTB

1968:

1000 km Monza: 12éme - Rey/Garant – Porsche 911S

1969:

6 h Brands Hatch: 20éme – Bonnier/Müller -  Lola T70 MK3BGT Chevrolet

1000 km Spa: 14éme - Bonnier-Muller/Lola Chevrolet 5L

1000 km Zeltweg: 2éme – Bonnier/Müller – Lola T70 MK3BGT Chevrolet

1970:

1000 km Brands Hatch: 13éme – Müller-Parkes – Ferrari 512S

1000 km Monza: 8éme – Parkes/Müller – Ferrari 512S

Targa Florio: 6éme – Müller/Parkes – Ferrari 512S

1000 km Nürburgring: 4éme Parkes/Müller – Ferrari 512S

1971 :

1000 km Buenos Aires : 7éme – Peterson Cupeiro – Lola MK3BGT Chevrolet

Targa Florio : 3éme – Bonnier/Attwood – Lola T212 Ford

1972 :

24 h du Mans : 7éme Markes/Lafosse/Cochet – Ferrari 375GTB/4

1973 :

6 h Vallelunga : 6éme – Wissell/Lafosse – Lola T282 Ford

1000 km Dijon : 6éme - Wissell/Lafosse – Lola T282 Ford

 

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