Alors que je demandais à ma sœur Christine de consulter ses (riches) archives, pour m’aider à ne pas commettre d’erreurs en rédigeant mes articles sur le GP de Bruxelles 1962, elle me transmit un scanner de quelques tickets de ces années d’or ! Quelle ne fut pas ma surprise d’y trouver ce ticket (rose) des entraînements (à 20FB, soit 50 cents d’Euro !) du GP de Bruxelles, daté du 15 avril 1962, alors que partout, dans mes documents, je constate que ce GP a eu lieu le 1er du même mois. Preuve apportée par le programme officiel (à 0,25€) ci-dessous … Mystère inexplicable !
Mais cet envoi me rappelle par ailleurs, que nous étions également présents dans les tribunes Francorchamps, pour la somme astronomique de 130FB (3,25€ !), lors du GP de Spa du 3 mai 1959.
Cette course fût remportée par le pilote hollandais Carel Godin de Beaufort, sur une Porsche 718 RS60 (châssis 055), devant une femme, l’Américaine Isabelle Haskell (épouse d’Alejandro De Tomaso – 7ème et meilleur tour de la course) sur Osca S1500. La moyenne du vainqueur était de 178,309 km/h (15 tours du circuit de 14km).
Isabelle Haskell et son époux Alejandro de Tomaso La Porsche Spyder 718 RS60 #055 dans son état actuel (USA)
Isabelle Haskell après quelques courses aux USA, rencontre son futur époux, l’Argentin Alejandro De Tomaso, alors qu’elle participe aux 12h de Buenos Aires en 1956. Venue en Europe pour y disputer les 12h de Reims sur une Porsche 550, elle assistera, impuissante, à l’accident mortel de sa coéquipière Annie Bousquet. Elle se marie en 1957 et pour la petite histoire, partage le volant d’une Osca 750cc avec le (futur) grand champion Ricardo Rodriguez aux 12h de Sebring 1959 ! La même année, elle et son mari s’inscrivent au GP des Frontières de Chimay, tous deux sur Osca (sans toutefois y participer !), avant de conquérir cette deuxième place à Spa.
Carel Godin de Beaufort - comte hollandais issu d’une famille proche de la famille royale - a participé (en plus de nombreuses courses en catégorie « sport ») à 31 GP du championnat du monde, et fût le premier pilote batave à marquer un point en Formule1. Il revendiquait par ailleurs son statut de dernier pilote amateur de la discipline.
Il pilotait en effet sa propre Porsche 718(1) de couleur orange, comme sa nationalité l’imposait à l’époque. Il se l’était procurée chez Rob Walker (châssis 718-2/201 – ex Stirling Moss), et elle était engagée par l’Ecurie Maasbergen, du nom de l’hôtel-château familial, headquarter du team. Cette voiture était en fait une monoplace de Formule 2, développée par Porsche (à la demande de Huschke Von Hanstein, le directeur du « service course » de la marque), au départ du châssis de la 718 RSK biplace.
Cependant, lorsque, pour la saison 1961 le nouveau règlement de F1 limite la cylindrée des moteurs à 1500cc, et autorise dès lors les F2 à participer aux GP, Carel saisit cette opportunité à deux mains !
Au début de sa carrière, il est plutôt considéré comme une chicane mobile et comme un danger pour les autres pilotes en piste, mais il s’améliore progressivement, jusqu’à devenir un pilote d’un niveau honorable.
Il pratique volontiers l’autodérision, et montre un côté non-conformiste, en pilotant parfois pieds-nus, ou en préférant une perruque « à la Beatles » à son casque!
Un « Beatles » nommé Carel
Blason de l’écurie Maasbergen
Il est victime de plusieurs accidents, outre celui qui lui sera fatal, lors des essais du GP d’Allemagne au Nurburgring, le 1er août 1964.
Le plus spectaculaire d’entre eux survint en 1959. Lors de la course de F2 disputée la veille du GP d’Allemagne de F1 sur le circuit de l’Avus, alors qu’il passe au-dessus du banking (Jean Behra perdra la vie au volant de sa Porsche RSK, au même endroit, le même jour), et se retrouve sur le parking en contre-bas, sur ses 4 roues ! Il remonte alors en piste, pour tenter de poursuivre sa course, mais se fait arrêter par le drapeau noir…
L’intéressant ( !) tracé du circuit de l’Avus de Berlin, et son banking à la triste réputation…
Pour ce funeste GP d’Allemagne de 1964, il obtient un engagement, à la condition de se qualifier. Il doit entre autres se montrer plus rapide que le Belge André Pilette, lors des entraînements.
Il part donc le couteau entre les dents. Premier tour lancé en 9min 47, soit 13 secondes de mieux que son meilleur temps de l’année précédente… Mais le moins bon temps des non-qualifiés d’office !
La Porsche 718-2/201 au départ de la séance d’essai, avant l’accident du 1er août 1964
Il se lance donc dans un troisième, puis un quatrième tour, durant lequel, il demande à sa vieille Porsche (construite en 1959 !), de donner tout ce qu’elle a dans le ventre ! Il connaît le Nordschleife comme sa poche, puisqu’il y œuvra même comme moniteur…
Arrivé juste avant Bergwerk, soit à peu près sur le lieu du grave accident subi par Niki Lauda en 1976, Carel perd le contrôle de son véhicule sur une traînée d’huile, sort de la piste et va heurter un arbre en contre-bas. Le pilote (non attaché à cette époque) est éjecté.
Gravement blessé, il est emmené dans un premier temps à l’hôpital de Coblence, puis par hélicoptère à l’hôpital neurologique de Cologne. Il y décède quelques heures plus tard. Il avait 30 ans.
Le film de l’accident : http://www.youtube.com/watch?v=9MsSUAgDNeo
(1) La 718/2 était la première monoplace de Formule 2 produite par Porsche (si l’on exclut toutefois la Behra-Porsche de F2) pour la saison 1959. Elle était basée sur la 718 RSK spyder, équipée du traditionnel 4 cylindres de 1500cc, placé à l’arrière. Pour 1960, la 718/2 reçut quelques modifications de détail, incluant une augmentation de 100mm de l’empattement. La première voiture produite (châssis nr 718-201) fût attribuée au Team privé Rob Walker, pour Stirling Moss et les courses de F2 disputées durant la saison 1960. Elle fût évidemment peinte dans les couleurs traditionnelles du team, soit bleu foncé avec une bande blanche transversale. L’usine Porsche, pour sa part, engage 2 voitures officielles (argentées) pour Jo Bonnier et Graham Hill. Pour la première course à Syracuse, Stirling Moss se qualifie en pole et réalise le meilleur tour en course. La première victoire surviendra le 30 avril 1960, alors que Stirling, qui court avec son numéro 7 fétiche, gagne la Aintree 200, avec Bonnier et Hill terminant respectivement deuxième et troisième. Porsche remporte le Championnat F2 1960.
(sources : Archives C. Beckers – carelgodindebeaufort.nl – 1000km… a Francorchamps & GP de Bruxelles de J-P Delsaux – Wikipedia –Speedqueens blogspot – reissorg.com – youtube.com)
© Lucien Beckers
