Citroën M35 : oubli volontaire

Dans l’histoire de l’automobile, il n’y a pas que Tesla qui s’est servi de ses clients comme cobayes pour tester de nouveaux produits. Citroën l’a fait il y a plus de 50 ans avec l’étrange M35, un prototype destiné à tester le moteur Wankel.

Avec sa berline DS lancée en 1956, Citroën révolutionne l’histoire de l’automobile en proposant une voiture aux solutions techniques avant-gardistes et au look unique son genre. Surfant sur la vague de sa nouvelle image, la firme aux chevrons commercialise l’Ami 6, une berline originale à la lunette arrière inversée, basée sur la plateforme de la 2CV. C’est alors que Citroën s’intéresse au moteur rotatif Wankel, une solution qui éveille également la curiosité de NSU. Les deux marques fondent en 1967 la société Comotor afin de construire ensemble cette mécanique très particulière. Le problème est que deux ans plus tard, NSU est acquis par Volkswagen qui est nullement intéressé par le Wankel. Citroën se retrouve donc avec un moteur qu’il ne connait pas et qu'il doit développer seul. C’est alors que le constructeur décide de mettre au point un prototype afin de tester le bloc rotatif en conditions réelles.

Histoire d’un échec cuisant

Basée sur le châssis de l’Ami 8, la Citroën M35 est une berline 2 portes à l’arrière fuyant. Son design quelque peu bâclé lui donne un air de véhicule expérimental, ce qui était certainement volontaire de la part des designers de Citroën. Elle est équipée d’un moteur Wankel de 995cc qui développe 49 ch. La particularité de cette voiture est qu’elle est équipée de suspensions hydrauliques comme la DS et qu’elle est vendue à des clients fidèles de la marque. Pour pouvoir prétendre à faire partie de l’expérience, ceux-ci s’engagent à parcourir au moins 30.000 km par an à bord de ce laboratoire roulant destiné à recueillir des informations sur le fonctionnement de cette mécanique inédite. Cette technologique de pointe à l’époque a un coût et le prix élevé de la voiture rebute de nombreux clients. Seuls 267 exemplaires sur les 500 prévus au départ sont construits par le carrossier français Heuliez. Souffrant d’une puissance modeste et peu performante, la voiture souffre d’une consommation très importante et sa fiabilité s’avère catastrophique car les moteurs cassent généralement après 60.000 km seulement ! Les enseignements tirés par Citroën durant cette expérience permettent d’améliorer le Wankel qui est finalement adopté par un véhicule de série, la GS Birotor. Peu convaincante au final, cette mécanique arrive en 1973, année du premier choc pétrolier. Sa consommation élevée la condamne très rapidement, et seuls 874 exemplaires sont construits jusqu’en 1975. De son côté, la M35 coûte beaucoup d’argent à Citroën qui doit effectuer multes réparations sous garantie. Tous les exemplaires confiés à des clients sont progressivement rachetés par la marque qui n’hésite pas à les envoyer à la casse !

Pour amateurs avertis

On estime qu’une soixantaine de M35 subsistent encore aujourd’hui et celles-ci sont répertoriées sur le sitecitroenm35.com, la seule source spécialisée sur ce modèle sur le Web. Délicate à mettre au point et à entretenir, la mécanique Wankel nécessite une main d’œuvre qualifiée. Le gros problème est qu’il n’existe pas vraiment de pièces de rechange pour cette voiture à la production extrêmement confidentielle. Adulée par des collectionneurs passionnés par l’histoire de Citroën, la M35 n’a pas vraiment de cote, vu son grande rareté sur le marché. Si une voiture est complète et roulante, son prix peut rapidement s’envoler. C’est le cas de la dernière M35 vendue aux enchères par Osenat, en excellente condition, qui s’est échangée pour 41.400 €.

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