Bricklin SV-1 : comme un parfum de scandale

Avant DeLorean, Malcolm Bricklin a lui aussi tenté de révolutionner la voiture de sport. Grâce à des pratiques douteuses, il a réussi à commercialiser la SV-1 dont la carrière se solda par un fiasco retentissant.

Aujourd’hui âgé de 83 ans, Malcolm Bricklin est l’exemple parfait de la réussite à l’américaine. Sur la page Wikipedia qui lui est consacrée, on apprend qu’il franchisait déjà le magasin de bricolage de son père à l’âge de 19 ans, qu’il fonda la société Subaru of America en 1968 et qu’il est à l’origine de l’importation de la Zastava Yugo sur le Nouveau Continent ! Toujours actif, le businessman a cependant une réputation très sulfureuse car il a toujours mené ses affaires à la limite de la légalité. Il a par exemple organisé sa propre insolvabilité après avoir empoché 4,5 millions de dollars de franchises des magasins Handyman, sans vraiment avoir rempli sa part du contrat. Il a également réussi à revendre sa propre société à Subaru avec un plantureux bénéfice à la clé, après avoir écoulé à prix plancher 10.000 exemplaires de la 360, une microcar incongrue aux States. Toujours bouillonnant d’idées, Bricklin veut révolutionner la voiture de sport au début des années 70. Chassez le naturel et il revient au galop, notre homme n’a pas pu s’empêcher de la faire à l’envers à ses investisseurs.

Sécurité avant tout

Au début des Seventies, l’heure est à une sécurité routière accrue sur le continent américain. Bricklin a l’idée de développer une automobile révolutionnaire intégrant toutes les dernières innovations en matière de sécurité passive comme des pare-chocs intégrés et rétractables pouvant encaisser des chocs jusqu’à 45 km/h. Cette sportive se veut également robuste et adopte une carrosserie en fibre de verre et dispose de portes papillons, un must pour se faire remarquer. Le businessman croit fermement en son projet et fonde la General Vehicule en 1971. Il s’adjoint les services de plusieurs ingénieurs très compétents et un premier prototype est assemblé l’année suivante. Le designer Herb Grasse, ancien de Chrysler et de Ford (et dessinateur de la première Batmobile !), imagine la ligne de ce qui deviendra la SV-1, pour Security Vehicule 1.

Problèmes en cascade

Durant la mise au point de la voiture, Bricklin connaît énormément de problèmes avec la fabrication de la carrosserie. Après de nombreux essais de plusieurs matériaux différents, l’utilisation d’un mélange de fibre de verre et d’acrylique est finalement décidée. Ce choix sera par la suite la cause d'une des plus grosses pertes d’argent de la société en service après-vente. Fidèle à sa réputation, Malcolm Bricklin embobine des investisseurs en leur faisant miroiter des chiffres tout à fait fantaisistes. Constamment à la recherche de fonds, il arrive à convaincre les autorités de l’état canadien du Nouveau Brunswick de mettre la main à la poche pour accueillir une unité de production. Le plus incroyable est que les responsables régionaux avancent la somme de 4,5 millions de dollars, et l’état canadien 3 millions. Le tout en échange de 67% du capital de la société et la promesse d’offrir de nombreux emplois dans la région économiquement sinistrée. Très vite, 500 personnes sont engagées par le constructeur qui promet de faire de la SV-1 la rivale de la Chevrolet Corvette.

Gros défauts de jeunesse

Le développement de la voiture prend du temps. Beaucoup trop. Les investisseurs piaffent d’impatience et la SV-1 est présentée à la va-vite en 1974, dans un hôtel de Las Vegas. Dans la foulée, des exemplaires de présérie sont envoyer chez les concessionnaires. La finition est loin d’être au niveau promis par Bricklin et pire encore, des défauts majeurs se font remarquer comme l’ouverture hydro-électrique des portières défaillante. La voiture dispose d’un V8 de 5,9 litres fourni par AMC qui développe 220 ch. Se voulant révolutionnaire à la base, la SV-1 déçoit par ses choix techniques comme un essieu arrière rigide et de vulgaires freins à tambours aux roues arrière ! Très vite, le moteur AMC est remplacé par un V8 Ford 5,8 litres de 177 malheureux chevaux.

Courte carrière

Même avec sa puissance modeste, la Bricklin arrive tout de même à tenir tête à la Corvette de l’époque. Cependant, sa tenue de route est très moyenne et la fiabilité générale l’est tout autant. Ajoutez à cela un prix qui a fortement augmenté en peu de temps, des problèmes d’approvisionnement en pièces détachées et un fort taux d’absentéisme chez les ouvriers chargés de l’assembler et vous obtenez un flop commercial. En 1975, Malcolm Bricklin baisse définitivement les bras après environ 3.000 véhicules produits. Même si elle est rare de nos jours avec selon les sources entre 1.500 et 2.000 exemplaires survivants, la SV-1 est loin d’avoir la cote d’une autre voiture au destin similaire : la DMC De Lorean. On en trouve aujourd’hui aux USA pour moins de 20.000 €.

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