Citroën SM, le mélange improbable

Issue de l’union de Citroën et de Maserati, la SM a bousculé les codes du luxe pendant 5 ans. Toujours aussi fascinante plus de 50 ans après son lancement, elle a le pouvoir de ne laisser personne indifférent.

Dès le milieu des années 50, la Citroën DS intéresse certains passionnés de rallye grâce à ses aptitudes routières hors-normes. Sa suspension hydropneumatique fait merveille sur les parcours accidentés et compense les performances très modestes de son moteur 4 cylindres. Plutôt marathonienne que sprinteuse, la berline française est tour à tour raccourcie ou allégée, que ce soit par Citroën ou par des amateurs éclairés. Au début des années 60, le projet S naît d’une volonté des dirigeants de la marque qui souhaitent créer une déclinaison plus sportive et plus luxueuse de la DS. L’ingénieur Walter Becchia est sollicité pour modifier le bloc Citroën et ce dernier développe une version à double arbre à cames de cette mécanique placide hérité de la Traction ! Même si le résultat s’avère concluant, certains dirigeants de la marque préféreraient un moteur italien à la place. Justement, Maserati entre dans le giron de Citroën en 1967 : la voie est donc ouverte pour tenter ce mariage à priori contre-nature. À la tête du département recherche et développement, l’ingénieur Giulio Alfieri prend bonne note des exigences des dirigeants de Citroën : un moteur 6 cylindres d’environ 3 litres de cylindrée pouvant entraîner une voiture de 1.400 kg à 200 km/h. Si ces caractéristiques ne sont pas vraiment exceptionnelles, le délai de seulement 6 mois donné par les français l’est bien ! Loin de se laisser démonter, Alfieri tronçonne tout simplement 2 cylindres d’un V8 de Maserati Indy pour en faire un V6 ! Le projet S peut alors être concrétisé et la lettre M (pour Maserati) est ajoutée. Après de nombreux tests réalisés avec des DS modifiées, la fiabilité du moteur est améliorée. Assez (du moins, c’est ce que les ingénieurs croyaient ! ) pour envisager la fabrication en série.

Singulière

Au Salon de Genève 1970, une voiture crée un attroupement en permanence sur le stand de Citroën : il s’agit de la SM dont le développement a été achevé en un temps record de 18 mois. À l’époque, ce modèle est révolutionnaire. Il y a d’abord sa ligne singulière avec un train avant plus large que l’arrière, due au styliste français Robert Opron. Semblant flotter sur la route, le coupé français impose le respect et ne ressemble à nul autre. Mais la SM, c’est surtout une vitrine du savoir-faire technologique de Citroën à l’époque : on peut citer les 4 freins à disques à assistance hydraulique, la direction assistée asservie à la vitesse avec rappel, les six projecteurs (dont deux directionnels) sous carénage en verre, la suspension hydraulique chère à la marque, les jantes en matériaux composites, le volant réglable en profondeur et en hauteur (une première !) et le pare-brise collé (unique en son genre en 1970). Cette démonstration de force est complétée par le moteur V6 Maserati de 2,7 litres qui développe 170 ch grâce à trois carburateurs Weber double corps. Vendue assez cher (deux fois le prix d’une DS), la SM séduit pourtant une clientèle avide d’originalité qui sera malheureusement vite déçue par les problèmes de jeunesse que rencontre la voiture, notamment au niveau des chaînes de distribution qui s’avèrent fragiles.

Le pétrole l’a tuée

La carrière du gros coupé n’a pas été un long fleuve tranquille. En plus de souffrir d’une fiabilité aléatoire et de la méconnaissance d’un réseau de concessionnaires habitués à des mécaniques beaucoup plus simples, la SM est frappée de plein fouet par deux crises pétrolières importantes en 1973 et en 1975. Naturellement gourmande en carburant, la française est boudée. Pourtant, elle adopte l’injection électronique Bosch D-Jetronic qui s’accompagne d’une légère montée en puissance (178 ch) et amène surtout plus de douceur et une baisse notoire de sa consommation. Étonnamment, la SM intéresse fortement le marché américain (au point de devenir capital pour ce modèle) et c’est pour cela que sort une version automatique à 3 rapports en 1974. Celle-ci reprend une version réalésée à 3 litres du V6 (180 ch), utilisée notamment par la Maserati Merak. En 1974, Citroën est racheté par Peugeot qui finira par mettre fin l’année suivante à la carrière de ce haut de gamme produit à seulement 12.920 exemplaires en cinq ans.

Exigeante

Avant d’envisager l’achat d’une SM, il faut bien réfléchir à sa complexité mécanique qui nécessite de bonnes connaissances ou un compte en banque bien garni ! En effet, cette voiture demande un entretien rigoureux et les sources d’ennuis sont très nombreuses. En Belgique, les spécialistes sont peu nombreux et cette main d’œuvre se paie cher et vilain. Le V6 Maserati nécessite une fiabilisation s’il est toujours d’origine et la maintenance du système hydraulique Citroën n’est pas des plus simples. Autre point négatif, la SM est très sensible à la corrosion et envisager la restauration complète d’une voiture est un chantier titanesque. Mieux vaut donc acheter un exemplaire en parfait état, moyennant un chèque de minimum 35.000-40.000 €. Pour l’instant, le graal ultime est la SM2, un restomod qui est en fait une version améliorée de la SM en tous points vendue par un atelier spécial français. Cette merveille est malheureusement vendue… 240.000€ !

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