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Des voitures de sport conçues par un pilote

par Patrick Malherbe

Photos Jeroen Peeters

roadbook1.jpgDonald Healey est né en Angleterre en 1898, c'est dans l'aviation où il servit durant la grande guerre, qu'il pris goût à la chose mécanique. Plus tard, il travailla pour plusieurs constructeurs anglais dans le développement de modèles spéciaux, comme par exemple la Triumph Dolomite 8 cylindres à compresseur. Mais il fut surtout un excellent pilote, qui courrait régulièrement les grands rallyes internationaux. Il remporta notamment, le prestigieux rallye Monte Carlo en 1931 au volant d'une Invicta préparée par ses soins.

Il créa sa propre firme, la Healey Motor Company, en 1948 dans le but de fabriquer des voitures de sport. Une de ses voitures équipée d'un moteur Nash termina Le Mans en 1950 à la 4 ème place devant de nombreuses voitures plus puissantes et prestigieuses.

Naissance d'Austin Healey  :

C'est le projet Healey 100 (pour 100 miles à l'heure) d'une voiture de sport, performante, fiable et relativement bon marché qui rendra le nom d'Healey mondialement célèbre. Cette voiture réalisée entre autres, avec l'ingénieur Roger Menadue et le designer Gerry Coker avait un look époustouflant pour l'époque et reste, aujourd'hui encore, un must du design automobile. Elle fut présentée au London Motor Show de 1952, fut la sensation du salon et tapa dans l'œil de Leonard Lord, grand patron de Austin puis de British Motor Corporation, qui décida de la produire avec le moteur 4 cylindres 2.660cc de l'Austin A90, ainsi vit le jour la marque « Austin Healey ».

L'Austin Healey fut conçue dès l'origine comme une conduite à gauche, c'est en effet le marché américain qui était surtout porteur à l'époque et il absorbera d'ailleurs près de 80% de la production. La voiture dispose d'un bon châssis, conçu pour être très rigide, d'une boite 3 vitesses avec overdrive et du moteur Austin, qui si il n'est pas surpuissant (90cv à 4.000 tours /min.), développe un couple impressionnant grâce à sa grosse cylindrée et à ses origines camionesques. Le freinage est assuré par quatre tambours à commande hydraulique.

La mécanique est en tous cas très fiable et largement suffisante pour emmener ce léger roadster  2 places bien profilé, à des vitesses exceptionnelles pour l'époque.

Par mis les sportives anglaises de grande série en 1952, seule la Jaguar XK120 est plus rapide, mais au son prix de vente est très nettement supérieur.

La carrosserie très fluide, sans poignées de portes extérieures, se distingue par son original pare-brise inclinable grâce à des charnières spécifiques et des ressorts de tension. Cela permet de gagner quelques points de CX et donc quelques kilomètres heure. Mais c'est surtout une astuce esthétique voulue par le designer Gerry Coker, cela rend la voiture plus agressive, elle semble alors sculptée pour la vitesse.

A l'usage, pour l'avoir expérimenté, c'est surtout assez inconfortable pour les occupants du roadster qui reçoivent le flux d'air en plein visage, googles ou visière indispensable, mais sensation de vitesse garantie…

Austin Healey en compétition  :

Donald Healey, comme à son habitude, voulu prouver la qualité de ses nouvelles voitures en les engageant en compétition, ce qui était tout bénéfice publicitairement.

En 1953, deux Austin Healey 100 furent engagées aux Mille Miglia en Italie, et ensuite aux 24heures du Mans.

Les Healey, très proche de la série, subissent une légère préparation moteur, et arrivent par la route au Mans ou elles rouleront encore munie de leur pare-chocs !

Les Healey 100 terminent 12ème et 14ème au général et 2ème et 3ème de classe, un excellent résultat pour des voitures de production qui rentreront en Angleterre par la route et participerons encore à bien d'autres compétitions. Pour la petite histoire, l'une des deux voitures deviendra la voiture personnelle qu'utilisera Donald Healey au quotidien, heureuse époque…

L'aventure Healey en compétition continuera en Europe et aux Etats-Unis sur circuit avec entre autres, une 3eme place aux 12h. de Sebring, mais également plus tard en rallye grâce aux Healey 3000 et à leurs nombreuses victoires notamment au Liège Rome Liège, et à la coupe des alpes, mais c'est une autre histoire…

La 100M :

Venons en à l'Austin Healey 100M dont de nombreuses photos illustrent cet article.

Fin 1954, pour commémorer les exploits du Mans, l'usine décide de commercialiser un kit de performance baptisé M comme le Mans. Ce kit peut être commandé et monté à l'usine ou chez les concessionnaires de la marque.

Inspiré des préparations du Mans, il se compose de plus gros carburateurs SU, d'une boite à air spécifique badgée « le Mans », d'un distributeur modifié, d'un arbre à came et de pistons spéciaux, d'amortisseurs avants renforcés, d'une barre anti-roulis racing, et enfin, extérieurement, les voitures sont munies d'un capot louvré favorisant le refroidissement, retenu par une sangle en cuir comme au Mans.

De plus, les 100 M étaient fréquemment proposées en finition de peinture deux tons.

Une 100M développait 110cv au lieu des 90 cv d'origine et atteignait 190 km/h au lieu de 178 km/h, une vitesse plus qu'honorable dans les années 50.

En 1955 sort la 2ème version de l'Austin Healey 100 avec le code BN2. En plus de la BN1 qu'elle remplace, elle offre cette fois, une boite 4 vitesses avec overdrive.

La 100 M qui nous intéresse aujourd'hui a été restaurée en Belgique par un spécialiste, à ma demande, pour Brussels Classic § Sports Cars.

Il s'agit d'une BN2 produite à destination des Etats-Unis en Aout 1955.

Seulement 4604 BN2 furent produites en 1955 et 1956 avant de laisser la place à la BN4 6 cylindres en 1956.

Le nombre de 100M produites n'est pas très clair, entre 640 et 1159 selon les sources, sachant que certaines étaient montées à l'usine , et d'autres équipées par après chez les concessionnaires ou lors de leur restauration.

Cette 100 M possède toutes les caractéristiques du kit M mais a encore été améliorée. Le moteur a reçu un boite à air optimisée,un cache soupape alu,une culasse alu développée par le spécialiste Denis Welsh, un échappement big bore, un démarreur racing , un allumage électronique, et enfin un refroidisseur d'huile, Il développe 140 cv. Le châssis a une suspension renforcée et deux disques remplacent avantageusement les tambours d'origine à l'avant. Enfin des roues à 72 rayons (48 à l'origine) chaussées d'excellents Michelin XAS 165/15 assurent une tenue de route assez exceptionnelle.

Avec 140 cv pour environ 930 kilos, les performances de la voiture s'approchent de la 100S, la version compétition produite par l'usine à seulement 50 exemplaires.

Au volant de la100M :

« Gentlemens start your engine » La clé de contact tournée, il suffit d'effleurer le bouton de démarreur de la main gauche pour que le gros quatre cylindres s'ébroue dans un grondement sourd. Le volant Motolita en bois bien en main, la position de conduite est bonne, comme dans la plupart des Healey.

La première s'enclenche assez facilement, mais lorsque l'on relâche brutalement l'embrayage, le choc est assez violent et la puissance à bas régime impressionnante. Sur le sec il est possible de faire patiner l'auto tant en première qu'en deuxième vitesse, le couple est phénoménal ! La réparation du poids sur le châssis court est excellente, et la voiture a un équilibre parfait grâce à son poids mesuré.

La 100 M est hyper dynamique et répond immédiatement aux injonctions du pilote. On se prend au jeu sur une route sinueuse, la voiture enfile les virages même serrés avec une facilité déconcertante. Le moteur répond directement, dès 1200 tours, la puissance et le couple sont bien présent, il grimpe facilement en émettant un super son jusqu'à 4500 tours . Il ne sert à rien d'aller plus haut car il a atteint sa puissance  maxi à ce régime. Les  vitesses passent bien pour autant que l'on décompose suffisamment les passages comme il sied à une voiture des années 50. Un léger bout droit permet d'enclencher l'overdrive de la main droite tout en la gardant sur le volant, il réagit immédiatement et la voiture bondit en avant, quelle pêche !!! Un virage arrive à toute vitesse, le freinage non assisté demande une certaine force du mollet, mais est très efficace, et la 100M freine bien droit avant de virer bien à plat, grâce à sa grosse barre anti-roulis . Quel pied !, on fait vraiment corps avec l'auto qui, à la demande, se faufile en légère glissade d'un virage à l'autre.

Pour avoir eu en main de nombreuses Austin Healey 3000, ses dernières années, je n'ai jamais ressenti une efficacité et un plaisir de conduire aussi évident.

L'héritière des 100 verra son châssis allongé de 6 centimètres pour pouvoir accueillir l'excellent bloc 6 cylindres Austin, et deux mini places arrières, mais hélas, les presque 200 kilos supplémentaires, handicaperont l'agilité rendant notamment les 6 cylindres  plus sous-vireuses en entrée de courbe.

Une nouvelle fois, l'équation poids/puissance sous l'angle légerté/ agilité est favorable à cette super Austin Healey 100M, un jouet vraiment fabuleux dont le ramage vaut largement le plumage….

Suite et fin des big Healey :

Après l'Austin Healey 100, la 100/6 (comme 6 cylindres) sortira en 1957,2639cc 117cv, suivie en 1959 de la MKI, 2912cc 124cv (première3.000), la MKII 132cv 3 carburateurs et enfin la MKIII phase 2 qui terminera sa carrière en 1967 avec 150 cv.

De nombreuses évolutions compétition seront issues de ces modèles, mais cela fera peut-être l'objet d'un autre article.

En 15 années, plus de 73000 unités de big Healey furent produites, elles sont de nos jours, toujours plus appréciées des amateurs de rallyes historiques et de voitures classiques.

Une ligne intemporelle, une mécanique fiable et puissante, un châssis efficace procurant un plaisir de conduire intense, le cahier des charges voulu par le pilote Donald Healey à l'époque, fait décidément toujours recette aujourd'hui.

Sources :The Healey story :Geoffrey Healey

               Austin Healey 100 § 3000 series: Graham Robson

               Austin Healey 100 § 3000: John Heilig

               Austin Healey: Bill Piggott

               Original Austin Healey: A.D.Clausager

               Les Healey au Mans: Hervé Chevalier

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