siphon

En 1960, nos parents décident de passer les vacances d’été sur la presqu’ile de Gien, près d’Hyères.

L’hôtel a belle allure. Après nous y être installés, ma sœur, mon frère et moi partons rapidement à la découverte de notre nouveau lieu de résidence, et surtout de la piscine pour y accomplir le premier plongeon des vacances.

 Arrivés dans le jardin, nous rendons vite compte qu’une agitation - inhabituelle dans un tel lieu - règne autour de nous …  En progressant, nous enjambons d’épais câbles noirs, puis nous découvrons plus loin, des batteries de spots sur pied, au milieu d’un ballet de techniciens affairés.

Soudain, un porte-voix  crache un vigoureux « Silence, on tourne ! ».

Un malabar aux biceps luisants de sueur,  nous empêche d’aller plus loin, tout en posant un doigt sur sa bouche, dans un geste qui ne laisse pas de doutes : nous sommes sur un lieu de tournage !

afficheAprès quelques minutes, et le traditionnel « Coupez ! », nous sommes enfin autorisés à accéder à la plage de la piscine. Là nous découvrons une lourde caméra, montée sur rails, derrière laquelle trône le réalisateur, tel Dieu le père dominant ses ouailles.

Renseignements pris auprès de la réception de l’hôtel, on nous explique qu’il s’agit du tournage du « Cœur battant » de Jacques Doniol-Valcroze, avec dans les rôles principaux, Françoise Brion et…Jean-Louis Trintignant !

 

Immédiatement ma sœur et moi réalisons qu’il s’agit là du neveu de Maurice Trintignant, dit « Pétoulet », lien familial qui nous interpelle bien plus que la qualité d’acteur de Jean-Louis !

Rapidement nous échafaudons un plan diabolique pour tenter d’entrer en contact avec lui, avec comme objectif, évidemment de pouvoir rencontrer un jour son oncle !

Après avoir eu confirmation que la magnifique Austin Healey 3000, bleue et blanche, qui stationne devant l’entrée de l’hôtel appartient bien à l’acteur français, et munis d’un seau de savonnée et de deux éponges, nous attaquons, sans complexes…le nettoyage de la voiture !             

Pétoulet

   Maurice Trintignant dit « Pétoulet »

Notre travail terminé, nous nous asseyons sur le bord du trottoir, attendant patiemment l’arrivée du propriétaire.

Au bout d’une longue attente, le voici qui arrive d’un pas décidé.  Au moment d’ouvrir la porte de son véhicule, il nous voit, le seau entre les jambes, et réalise que l’Austin étincelle sous le soleil. Il fait rapidement le lien entre les deux images et nous

Austin Healey

 

L’Austin Healey 3000

interpelle de sa belle voix :

« C’est vous, les enfants, qui avez lavé mon auto ? »

« Oui, Monsieur Trintignant… » répond ma sœur, un peu émue.

« Ah ! Merci beaucoup. C’est très gentil. Pour vous remercier, je vous emmène faire un tour ! ».

Le cœur battant ( !) et surpris par cette proposition inattendue, nous voici les cheveux au vent, à bord d’une Austin Healey, avec au volant…le neveu de « Pétoulet » ! Nous avions, une fois encore, provoqué la chance et elle s’était offerte à nous au-delà de nos espérances les plus folles…

De retour à l’hôtel, Jean-Louis promet, comme bonus,  de nous intégrer comme figurants dans une des scènes du film. Le soir même nous nous retrouvons donc assis à une table du restaurant en plein air, au bord de la piscine, alors que se tourne la scène qui symbolise tout le film : celle où Trintignant asperge Françoise Brion d’un jet de siphon !

Siphon

Jean – Louis Trintignant et Françoise Brion

Pour la petite histoire, lors de la sortie du film – enfants non admis-  je n’étais toujours pas majeur, et grâce à la complicité de mes parents, je pus malgré tout pénétrer dans la salle de projection, et ainsi voir, ma sœur et moi, dans notre premier rôle au cinéma (je vous raconterai un jour l’histoire de mon second rôle de figurant, en compagnie mon frère cette fois, lors du tournage de  « Grand Prix » à Francorchamps) !

Des années plus tard (1975, je crois), alors que je disputais une course du championnat Benelux de Formule Ford à Zolder, je tombai sur Jean-Louis qui déambulait dans le paddock. Il participait ce jour-là, avec le Star Racing Team sur Simca 1000, à une course réservée aux vedettes, organisée par Moustache. Je m’adressai à lui et lui demandai s’il se souvenait de moi et de ma sœur, où plutôt du nettoyage de sa voiture. A mon grand regret, cette histoire ne lui revenait pas à l’esprit…

C’est un peu plus tard, et après son divorce d’avec Nadine, que Jean-Louis rencontra Marianne Hoepfner, qui était  ex-coéquipière et  amie de ma sœur (notamment au sein du Team Aseptogyl de Bob Neyret). Dès lors nos liens d’amitié avec Jean-Louis et Marianne ont traversés le temps et nous sommes toujours en contact avec le couple (ils se sont finalement épousés en 2000) qui réside aujourd’hui dans le Sud de la France.

 

Jean-Louis Trintignant et la course automobile

Né le 11 décembre 1930 à Piolenc, dans le Vaucluse et ambitionne très jeune de devenir coureur automobile comme son oncle Maurice. Il passe cependant d’abord par la case « théâtre », puis devient célèbre en devenant le partenaire de Brigitte Bardot dans le film mythique «  Et Dieu créa la femme » de Roger Vadim. Il fréquente à plusieurs reprises des écoles de pilotage, et devient pilote de rallye au cinéma dans « Un Homme et une Femme » de Claude Lelouch, dans lequel il participe au rallye de Monte-Carlo (auquel il participera également en 1982 et 1984), sur une Ford Mustang, en compagnie d’Henri Chemin.

S’il s'est aligné dans le championnat de France de Tourisme sur Triumph Dolomite,  c’est sa participation aux 24 Heures du Mans 1980 qui le révèle vraiment qui le fit connaître en tant que pilote. Accompagné par Anne-Charlotte Verney et Xavier Lapeyre, il devra malheureusement jeter l'éponge avant le terme, la faute à un problème d'alimentation affectant sa Porsche 935 K3.


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Son résultat le plus probant est sans doute la deuxième place qu'il décrocha lors des 24 Heures de Spa-Francorchamps 1982,  associé à Jean-Pierre Jarier (ex- pilote de F1) et Thierry Tassin sur BMW 528i, faisant preuve de belles qualités derrière un volant sur le mythique toboggan des Ardennes. En outre, Jean-Louis Trintignant a participé à quelques rallyes nationaux sur Simca 1000 Rallye, et même au célèbre Monte-Carlo en 1981 (avec Marianne Hoepfner/Peugeot 505) et 1984 (avec B. Tioualang/Alfa Romeo).

 

Je vous raconte le destin hors du commun de  Muarice Trintignant dit « Pétoulet » dans un prochain article.

 

© Lucien Beckers (Source : toileF1.com)

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