victoire de giancarlo baghetti gp france 1961

Après nos aventures du GP de Bruxelles 1960 & 1961, nous étions prêts, ma sœur et moi à profiter pleinement de nos relations naissantes dans ce milieu, pour vivre intensément l’édition de 1962, et approcher d’encore plus près nos idoles et leurs merveilleuses montures !

Pour cette troisième édition, nous devions impérativement tenter de lier connaissance avec l’un des pilotes présents. Ma sœur avait rencontré au Club Med un moniteur de ski et pilote français, assez peu connu : François Santé. Il était venu à Bruxelles accompagné d’un ami, Bernard Collomb, engagé sur une Cooper – Climax T53 (numéro de châssis F1- 9-61 pour les fondus). Il n’appartenait à aucune structure, et préparait lui-même sa voiture.

 bernard collomb 1930-2011

Bernard Collomb (1930 – 2011)

 Cooper- Climax T53

cooper climax ts3

Il avait débuté sa carrière en F1 le 6 juillet 1961 au GP de France qui se courrait à Reims. Il y réalisa le 21ème temps sur 26 inscrits, et abandonna au 6ème tour sur casse moteur. Pour l’anecdote, ce Grand Prix restera à jamais gravé dans les mémoires, puisqu’il fût remporté par l’Italien Giancarlo Baghetti, dont c’était la première participation à une course officielle de F1, sur une Ferrari 156 « Sharknose » (chassis 008) mise à sa disposition par la Fédération italienne via l’écurie Sant Ambroes . La 156  (chassis 006) que l’on allait d’ailleurs retrouver victorieuse aux mains de Willy Mairesse, à « notre » GP de Bruxelles.

victoire de giancarlo baghetti gp france 1961 

 Victoire de Giancarlo Baghetti au GP de France 1961 à Reims devant Dan Gurney (Porsche)

ferrari 156

La Ferrari 156

Alors que François Santé nous présentait à lui, ma sœur, bien plus courageuse que moi du haut de ses 19 ans, demanda à ce brave Monsieur Collomb (âgé alors de 32 ans), des conseils pour que son frère et elle puissent le rejoindre un jour sur une grille de départ !

A notre grande surprise, il consentit, avec beaucoup de gentillesse, à engager la conversation avec ces deux curieux ados, qui avaient encore des traces de lait derrière les oreilles ! Comme toute personne sensée, il nous conseilla de d’abord faire de bonnes études (je rougis aussitôt en pensant à ma journée de chômage technique  « scolaire », qui m’avait permis d’assister aux essais du GP de 1960 !), et puis de faire preuve de beaucoup de persévérance ! Paul Frère nous avait d’ailleurs fait la même (gentille) réponse, lorsque nous lui avions adressé une lettre (trouver son adresse fût l’occasion pour nous de mener une véritable enquête…), pour lui demander la même recette !

Lors de la séance d’essais de ce 31 mars 1961, nous avions décidé de nous déplacer vers le virage situé en bout de ligne droite, afin de voir comment notre nouvel « ami » Bernard se défendait face à nos « Dieux », ténors de la discipline. Soudain les haut-parleurs crachotèrent le nom de « Collomb » sans que nous puissions comprendre, au milieu des vrombissements rageurs, le reste de la phrase.

Toutefois, nous avions compris que la citation de son nom par le commentateur, ne présageait rien de bon ! Nous avions raison : avant même que nous n’ayons eu le temps d’arriver à notre poste d’observation, Bernard était violemment sorti de la piste, et sa voiture avait pris feu, comme souvent à cette époque. … Heureusement vivant, mais assez sérieusement blessé, et avec sa voiture en morceaux (1), Il ne pourrait donc pas, à notre grand regret, prendre le départ du lendemain. Ma sœur et son ami François allèrent le voir à l’hôpital Brugmann pour le réconforter. Il sera contraint à 7 mois d’inactivité à la suite de cet accident. La routine à cette époque glorieuse !

Quelques semaines plus tard, le téléphone sonna à la maison. Mon père me passa le cornet de bakélite avec un laconique « c’est pour toi… ». Quelle ne furent pas ma surprise et mon émoi, lorsqu’à l’autre bout du fil j’entendis « Bonjour, c’est Bernard Collomb. Pourrais-je parler à Christine ? » ! En tremblant, je balbutiai un vague commentaire puis me précipitai dans la chambre de ma sœur, à qui, très excité j’expliquai que Bernard  la demandait au téléphone ! Nous comprîmes alors qu’enfin, nous avions un vrai contact en Formule 1…

Les stats de Bernard Collomb (source : Julien/Stats F1)

Bernard Collomb n'a pas réalisé de grandes choses en Formule 1, les seuls bons résultats qu'il ait obtenu le furent en-dehors du cadre du championnat du monde.

 

Né à Annecy, Bernard est propriétaire d'un garage à Nice quand il commence déjà la compétition, mais sur deux roues. Il faut attendre la fin de l'année 1959 pour qu'il dispute sa première course importante sur quatre roues, la Coupe du Salon de Formule 2 à Montlhéry. Parmi un effectif de pilotes assez réduit, Bernard est le 5ème pilote à franchir la ligne d'arrivée, mais avec 4 tours de retard, il n'est pas classé.

Il retente sa chance l'année suivante dans plusieurs courses de F2, et se classe 5ème lors du Norfolk Trophy et de la Coupe du Salon, mais avec des retards toujours aussi conséquents, respectivement 4 et 12 tours de retard sur le vainqueur ! Malgré tout, il décide de passer à la vitesse supérieure dès 1961 sur une Cooper-Climax T53, il prend part à quelques courses de F1 hors championnat. Pour sa deuxième course, le GP de Vienne, il se classe 4ème, ce sera sa meilleure performance dans cette catégorie. Il se classe également 6ème à Naples, et participe à sa première épreuve en championnat du monde à Reims, et se retrouve bien vite relégué en bas de tableau jusqu'à son abandon au 7ème tour. Il court également en Allemagne. Parti bon dernier, il monte jusqu'à la 17ème place quand son moteur lâche.

 

La saison 1962 commence de la plus mauvaise des manières pour lui, un gros accident à Bruxelles où la voiture s'enflamme. Bernard s'en sort, mais plus de voitures pour lui. Il achète une nouvelle Cooper T53 à Reg Parnell – Yeoman Credit (2), et retourne à la compétition à Solitude. Il parvient également à se qualifier pour le GP d'Allemagne, mais ne tiendra que 3 tours en raison d'un problème de boite de vitesse. Enfin, il termine 5ème du GP de Méditerranée hors championnat, à Enna Pergusa.

 

L'année suivante, il abandonne la Cooper et lui préfère une Lotus 24 avec laquelle il tente de se qualifier en Principauté, mais n'y parvient pas. En revanche, il court sur le Nürburgring, et parvient enfin à terminer l'épreuve, en dixième position, mais en accusant un retard de 5 tours, sur une course qui n'en compte que 15 ! Lors du Gp d'Autriche hors championnat, il termine 5ème.

 

En 1964, il tente une nouvelle fois de se qualifier pour la course monégasque de F1, mais il échoue à nouveau en terminant 19ème et dernier des essais. Ce sera sa dernière participation au championnat du monde. Il retourne aux courses de Formule 2 en 1965, sans parvenir à se classer de nouveau dans les points et qui se termine par un accident à Barcelone au début de l'année 1966, ce qui le pousse à abandonner les monoplaces.

 

Bernard Collomb court en 1968 avec une Alpine-Renault les 24 heures du Mans avec François Lacarreau, mais ne sont pas classés, car ayant couvert la moitié de ce que les vainqueurs Rodriguez et Bianchi ont parcouru ! Ce fut la dernière course importante pour Collomb.

 

 

© Lucien Beckers

 

(1)    Que sont devenus les restes de la Cooper T153 – chassis F1-9-61de Bernard Collomb après son accident ?

Quelques pièces ont été montées sur une voiture qui participa au championnat suisse de la montagne.

Des pièces ont ensuite été récupérées en Suisse et en France par l’Anglais John Harper à la fin des années 70 et une voiture fût reconstruite sur cette base. Une T153 portant ce numéro de châssis a été alignée en 2003, à la Monterey Historic Automobile Races en Californie, par Rudolfo Junco.

(2)    Cette nouvelle acquisiton portait un numéro de châssis particulier (T53 – VR ou P1), car il s’agissait d’une voiture profilée (streamliner) construite par Reg Parnell/ Yeoman Credit en 1961  -  Voici son parcours : 1961 pour John Surtees en F1 - Bernard Collomb (Nice, France) 1962 - Andre Wicky (Lausanne, CH) 1963: utilisée avec un moteur 2.8-litre Maserati pour le championnat suisse de la Montagne - Ph. Reitzel (Aigle, CH) 1967 - Wicky à nouveau en 1967 - J.P. Adatte (Genève, CH) 1968 - M. Rochat (St Blaise, CH) - Eric Perrin (Geneva, CH) 1979 - 2003. A Genève/Cologny revival meeting Juin 2003 conservée jusqu’en 2006 (sources : oldracingcars.com).

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