Quel luxe de pouvoir se lever à 7h30. Je retrouve Etienne et sa compagne au petit déjeuner où nous comparons nos programmes de la journée. Ils se ressemblent pas mal: trouver un endroit sympa pour se poster au bord de la route peu après le départ de la première liaison, retrouver les concurrents à la pause déjeuner à Gruyères puis suivre une spéciale l'après midi. Je vais juste essayer d'ajouter une spéciale le matin aussi. Après une belle journée en statique hier, l'objectif va être de faire un maximum de dynamique aujourd'hui. Je décolle de l'hôtel vers 8h30, le départ de Gstaad étant prévu à 09h00, j'ai le temps de prendre la route avant les concurrents. En tout cas si j'arrive à ne pas m'arrêter tous les 500 mètres pour prendre une photo du paysage (et du ciel mais oui). J'aime beaucoup la deuxième avec le rayon du soleil et la brume au fond de la vallée.

       

Du coup, je passe le rond point de Gstaad avec cinq minutes à peine d'avance sur le départ supposé des concurrents.

Après une quinzaine de kilomètres, soulagé de ne pas avoir été rattrapé, j'avise une épingle à cheveux qui m'irait bien, avec une église sympa et bien placée. Je stoppe donc là. Quelques minute plus tard, l'ouvreuse fait son apparition. Il s'agit d'une California noire pilotée par un célèbre pilote Français très attaché à Ferrari. Mais çà, je ne le sais pas encore en fait.

Le plateau Compétition arrive le premier bien sûr, alors que je cherche encore mes marques. Je ne fais pas exprès de prendre cette Lotus Elan devant un cimetière: je ne sais évidemment pas qu'il ne lui reste que quelques dizaines de minutes à vivre.

Les échappements plus libérés des voitures de ce plateau font que leurs moteurs résonnent contre la montagne plusieurs dizaines de secondes après leur passage. Un pur plaisir. Les TZ semblent avoir l'embrayage particulièrement sensible. La rouge ratatouille pas mal en attendant sa collègue avant de repartir à l'assaut de conserve. 

        

Pour quelques voitures j'essaie de jongler entre le grand angle pour faire la photo avec l'église en fond avant de prendre le zoom pour immortaliser leur passage de plus près. J'ai enlevé les filtres polarisants des deux appareils pour la journée car le soleil n'est pas garanti et je ne veux pas risquer de me retrouver avec des photos toutes floues, même légèrement. 

       

Les photos ressortent plus ou moins comme je l'espérais. Evidemment avec un tel cadre j'ai naturellement tendance à élargir le champ, ce qui rétrécit les voitures d'autant. Mais bon, les plans très rapprochés sont plus adaptés aux circuits, ici il faut profiter du paysage.

       

Ce qui ne m'empêche pas de varier les angles et les focales. De toutes façons je suis coincé ici maintenant. Si je reprends la voiture, je vais louper la moitié des concurrents.

       

       

Parfois les concurrents arrivent en peloton assez serré. Il ne s'agit pas nécessairement d'une volonté de leur part mais à l'entrée du village, un feu rouge régule la circulation à cause de travaux sur la chaussée, ce qui provoque des regroupements qui m'obligent à cadrer plus vite que je ne le souhaiterais.

       

Je l'ai déjà dit mais cette Daytona est vraiment superbe. Elle m'offrira d'ailleurs une de mes photos préférée du weekend, mais plus tard dans la journée.

       

Je prends ensuite un peu de hauteur en montant sur le talus. L'Abarth est très photogénique avec ses couleurs vives, plus que la DB2. Cela dit, déjà le ciel devient gris.

       

Certains équipages m'ont repéré et me font des signes amicaux. Même si je ne peux pas répondre, çà fait toujours plaisir alors continuez !

Je continue à grimper sur le mur.

       

En essayant de varier au maximum les angles de vue.

       

Quitte a en faire parfois un peu trop en terme de réduction du sujet principal: la voiture. Mais je le voulais cet arbre.

La 212 arrive, je suis contraint de sacrifier un peu la Bugatti malheureusement. C'est madame qui conduit.

       

J'essaie ensuite de respecter les règles de base de la composition d'image en introduisant un élément de premier plan mais ce n'est pas forcément concluant.

       

Je redescends au niveau de la route, à l'intérieur de l'épingle cette fois. Une des AC Cobra

précède la Ferrari 250 California. Ainsi elle a fini par arriver et elle a failli me prendre par surprise (et çà se voit). En revanche la 225S est définitivement manquante.

       

Du coup, j'ai un peu des fourmis dans les jambes, j'ai envie de la suivre pour la prendre dans la deuxième spéciale. Je prends encore quelques photos en élargissant au maximum pour profiter des montagnes. Ce point de passage m'aura vraiment offert de nombreuses possibilités de cadrage différentes, sans faire plus de quinze mètres.

       

Je remonte les deux cent mètres qui me séparent dans la voiture en essayant de me souvenir quelles Ferrari il peut me manquer. Si j'avais quatre mains et deux cerveaux, je les cocherais au fur et à mesure sur la liste des engagés mais elle est de toutes façons restée dans la voiture (peut être qu'un seul cerveau suffirait finalement). Au moment où j'ouvre la portière, des moteurs retentissent, je retourne rapidement au bord de la route. Cette Porsche 100% féminine et suivie de la 275 GTB grise.

       

Ici aussi le cadre est sympa

Pas loin derrière, la Daytona noire déboule à son tour. Il manque encore deux Dino, la 365 GT 2+2 et la 330 GTC mais je dois y aller si je veux repasser devant tout le monde.

       

Je saute donc en voiture, et quelques secondes plus tard il pleut. Je coupe directement en direction de La Comballaz où a lieu la deuxième Spéciale sur route fermée. En route, le GPS a tendance a perdre un peu la boule, voire a donner des ordres contradictoires. Et non loin du village je croise la TZ blanche et la Giulia, ce qui est toujours un peu inquiétant car çà m'étonnerait qu'elles aient eu le temps de courir la spéciale. Finalement je trouve le départ. Il s'agit d'une petite route, pas bien large. Je mets mon autocollant Presse en évidence sur le tableau de bord et je me gare un peu à l'arrache. Puis je marche quelques centaines de mètres le long de la route pour trouver un point intéressant. En escaladant une butte, je vois les Alfas se présenter au départ. C'est donc moi qui étais sur le bon chemin. Je finis par trouver, sans trop m'éloigner, une saignée dans le talus avec une plaque d'égout, juste derrière une bosse. Ca va être parfait. A part la pluie. La spéciale a l'air neutralisée pour le moment et l'ambulance passe devant moi, mais au pas. J'apprendrai à mon étape suivante que la Lotus Elan a fait plusieurs tonneaux, sans dommage pour ses occupants fort heureusement (casques et combinaisons ignifugées sont obligatoires sur tout le parcours). Au bout d'un moment, je vois au loin l'ambulance reprendre sa place et peu après les voitures sont lancées. Les deux Alfas passent à un mètre de moi, lancées à fond. Ca ne rigole pas en Compétition.

         

Le plateau régularité est beaucoup plus calme, c'est un rythme de promenade, mais gage de sécurité sur ces routes étroites, bombées et trempées. Une pensée pour les occupants des découvrables.

       

Certains ont tout de même une capote

Cela dit, certains pilotes ont peut être aussi une pensée pour moi s'ils me voient accroupi au bord de la route dans une niche de béton, avec le poncho sur la tête.

       

       

Au bout d'un moment, mes jambes déjà rudement éprouvées par les nombreuses génuflexions de la veille commencent à s'engourdir. Après le passage de la 212 Export, j'attends que les fourmis disparaissent de mes pieds avant de bouger.

       

J'escalade la colline qui borde la route pour prendre suffisamment de recul.

Il est temps de prendre un peu de risque et de tenter quelques filés. Jusque là, je me suis contenté de vitesses les plus hautes possibles.

       

       

       

Certaines voitures me stressent un peu plus que les autres. La peur de rater (je précise que la Dino n'est pas ratée, c'est fait exprès)

       

Dès le début, j'ai décidé de partir dès le passage de la California. La spéciale a pris pas mal de retard et je crains que les premiers n'aient déjà fini de déjeuner.

       

Je prends donc le chemin du retour vers le départ, en m'arrêtant tout de même au passage des concurrents.

       

La première montée était un point de vue sympa aussi mais bon.

       

En bas, les concurrents attendent leur tour.

       

Il reste pas mal de Ferrari mais tant pis. C'est vrai que dans ces conditions, on arrive souvent après les numéros les plus bas et on part souvent avant les numéros les plus hauts, sous peine de prendre un retard irrattrapable.

       

       

Allez, je suis parti pour les 40 kilomètres qui me séparent du Gruyères. A peine parti, je passe devant un convoi militaire qui démarre. Du temps de gagné. Mais quelques centaines de mètres plus loin, je repère la Porsche 904/6 arrêtée sur le bas coté. Je me range par réflexe pour prendre une photo mais je vois les jeeps arriver. Je repars rapidement pour les doubler et être débarrassé Vous vous doutez que la route ne sera ni droite ni plate. Aux deux tiers du parcours environ, un officiel est posté pour signaler que la route est glissante, sans doute suite à une perte de liquide. Une éventualité à ne pas négliger quand on roule sur route mouillée derrière de vénérables anciennes pas forcément étanches.

J'arrive à Gruyères, dont la célébrité tient autant au fameux fromage éponyme qu'à son château médiéval. La caravane s'est installée sur un parking habituellement réservé aux touristes souhaitant visiter le château, hélas un peu loin de celui ci. J'arrive à temps, le plateau Compétition est toujours là.

       

       

Du coté des Ferrari, çà bricole mais à priori rien de grave.

       

       

Si vous n'avez jamais vu comment on enlève une roue avec une fixation papillon: attention aux âmes sensibles, il suffit de taper dessus le plus fort possible.

Les Daytona sont là.

       

La California arrive peu après, l'occasion pour moi de la détailler un peu.

       

Celle ci montre une irrégularité: un des passagers ne porte ni casque, ni combinaison.

Les derniers arrivent progressivement

       

La seule photo avec un bout du château en arrière plan: c'était pas facile.

L'ouvreuse s'apprête à partir pour la suite des évènements. C'est là que je m'aperçois que son pilote n'est autre que René Arnoux, toujours aussi souriant et sympathique, qui attend gentiment que j'aie fini mes photos pour démarrer. Merci à lui pour sa disponibilité et son sourire, c'est vraiment un grand Monsieur.

       

       

Bon c'est du parking, donc sans intérêt particulier après la journée d'hier et je dois y aller si je veux arriver dans la troisième spéciale avant les concurrents. Direction Abländschen et la Vallée des Fenils pour une épreuve de 8 kilomètres en descente. Je pars derrière une voiture de l'organisation mais au bout de quelques kilomètres, le GPS me fait bifurquer par des chemins invraisemblables où l'on peut à peine se croiser. Une fois engagé, il n'y a qu'à prier qu'il sache ce qu'il fait. Après avoir retrouvé une route digne de ce nom, je suis ensuite un panneau m'envoyant sur une très longue montée, sur des chemins à peine plus carrossables que les précédents. Alors que je me demande si je suis totalement perdu, je tombe sur le poste de pointage. Le départ de la spéciale est prévu quelques centaines de mètres plus loin. Je comprends tout de suite que je vais devoir rester ici jusqu'à la fin de la spéciale et la réouverture de la route qui descend de l'autre coté du col. Entreprendre de repartir dans l'autre sens avec tous les concurrents qui montent serait franchement compliqué.  La voiture que je suivais tout à l'heure arrive quelques minutes plus tard. Le GPS n'est pas si timbré finalement. Je n'ai pas trop envie de m'engager à pied dans la spéciale. Tout à coup, une partie des furieux du plateau Compétition déboule en groupe.

       

       

Il faut prendre une décision rapide. Je décide de descendre un peu du coté de la montée du col. A à peine deux cent mètres, un petit bout de route me semble assez adapté. Une souche sous un arbre me permettra de m'asseoir et d'être relativement à l'abri en cas de pluie. Le point de contrôle n'est pas très loin, posé au milieu de nulle part. Sur la deuxième photo, saurez vous retrouver l'intruse?

       

Je ne bougerai plus de ma souche pendant les 1h30 que va durer le passage de tous les concurrents survivants.

       

En règle générale, les concurrents compatissent et saluent cette masse grise informe d'où émerge un objectif braqué sur eux.

       

La route noire avec le fond vert et les fruits rouges dans les arbres offrent un cadre vraiment très esthétique.

       

Je vous disais que la Daytona m'avait offert mes plus belles photos du weekend, c'est de celles ci que je parlais. Je les aime vraiment beaucoup.

       

Un coup de chapeau également à Corentine et Carla, l'équipage de la Jaguar XK150. Outre qu'elles sont absolument charmantes, la conductrice à eu un geste amical à mon égard à chaque fois qu'elle est passée à coté de moi, signe de la main ou pouce levé. C'est très agréable.

       

La météo est dans la continuité: tantôt il pleut, tantôt un rayon de soleil vient saturer les couleurs.

       

L'arrivée de la 212 Export fait toujours naitre un vrai sentiment d'excitation.

       

Les voitures se succèdent, à intervalles irréguliers, soit isolées soit en groupe.

       

       

       

La California provoque elle aussi un certain émoi.

       

Quand je vous disais qu'un photographe était prêt à tout quand il s'ennuyait. Il y a eu quelques temps morts vers la fin. J'ai aussi eu le temps de réfléchir sur la suite de mon programme. J'avais prévu d'aller dimanche au KBrossocorsaday II, un rassemblement de 120 Ferrari en région Parisienne, à l'initiative d'un propriétaire membre de Forum-auto. Deux Enzo et deux 16M sont annoncées. Mais franchement, vu mon état de fatigue (et surtout celui de mes cuisses), les incertitudes sur la météo et sur le trafic, et le fait qu'il faille faire près de 1000 km dans la journée, je préfère renoncer pour cette édition.

Les dernières Ferrari, la Daytona noire et la 365 GT 2+2 ont disparu ou ont zappé.

       

Sur la fin le temps tourne vraiment à la grosse averse. Je reste stoïque. L'arbre me protège un peu et je ne veux pas finir le rallye caché dans ma voiture.

       

La Bentley est la dernière a passer. J'ai du mal à imaginer comment elle a fait pour monter jusqu'ici. La voiture balai la suit à distance, signe de la fin de la procession, et du rallye en ce qui me concerne. Je suis en queue de peloton sans espoir de refaire mon retard sur la meute. Je pourrais attendre les voitures à l'entrée de Gstaad mais il y a quand même pas mal de route pour le retour.

         

Quinze minutes plus tard, la route est libérée. Je descends la spéciale à la suite de quelques voitures de l'organisation. Il y a des endroits vraiment superbes mais même en arrivant suffisamment tôt pour m'y engager en voiture, je n'aurais pu en photographier qu'un. Vers la fin de la spéciale, Etienne me fait signe du bord de la route. Lui s'est garé sur le parcours et s'est donc aussi retrouvé coincé. Après avoir pris rendez vous à Geneva Classics, je demande au GPS de me ramener à la maison: après tous ces virages dans tous les sens sans apercevoir le moindre village, je n'ai absolument aucune idée d'où je me trouve. Il m'annonce 3h30 de voyage, çà va encore. En fait la spéciale était juste sur les hauteurs de Gstaad. Le retour se passe sans encombres.

Pour faire un bilan de ma Gstaad Classic, je dirais que le plateau était très intéressant et que le cadre était vraiment idéal pour un reportage agrémenté de nombreuses photos. Cette deuxième journée a été très satisfaisante sur ce dernier point. Les itinéraires rayonnant autour d'un point fixe sont un vrai plus quand on veut suivre l'épreuve sans avaler des kilomètres excessifs. On peut couper et retrouver les concurrents sans s'éloigner de son camp de base: une excellente initiative. En toute franchise, je regrette vraiment de ne pas suivre l'intégralité des trois jours de rallye. Gstaad Classic s'impose vraiment comme un évènement indispensable, encore plus que le Tour Auto et je ferai tout pour être présent à la prochaine édition dans deux ans.

Je tiens a remercier la sympathique équipe de Peter Auto dont le nom est toujours un gage réconfortant de qualité. Que ce soit Le Mans Classic, Le Tour Auto Optic 2000 ou maintenant la Gstaad Classic Audemars Piguet, j'ai toujours pu couvrir leurs évènements avec une grande facilité et un grand plaisir. A noter que le rythme biannuel a aussi été adopté pour deux nouvelles courses historiques organisées par Peter Auto: la Ronde du Ventoux et le Grand Prix de Pau dont les échos dans la presse spécialisée ont été très positifs. A suivre en 2011 donc.

© Nicolas Jeannier


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