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Le camion recule et se repose sur la berge. Nous souhaiterions que le bac décolle du rivage, pour voir s’il supporte le poids du bahut ! Nouvelle discussion avec les passeurs. Ils acceptent de déplacer le bac là où la rivière est un peu plus profonde. Mais la manœuvre est périlleuse, car lorsque les roues avant vont monter sur le bac, l’arrière risque de s’enfoncer, tout en relevant la proue. Nous nous y mettons donc à plusieurs, pour tenter de faire contrepoids. Ca y est, le bac flotte…avec le camion dessus !

 

Gérard et Bruno sont à la perche, les bateliers poussant à l’arrière. Pierre est au volant du camion, moteur tournant, prêt à enclencher la marche arrière, au cas où le Bac prendrait l’eau. Le bac se met à pencher dangereusement, et recommence à s’enfoncer.

 

On décide de ressortir le camion de l’eau et …de le décharger, pour l’alléger ! Mais au bout d’une demi-heure d’efforts et de nouvelles palabres, Pierre devient raisonnable. En effet, craignant pour la vie du camion, il  décide de renoncer, alors que le Pinz  passe lui, sur l’autre rive. Nous le retrouverons plus loin.

Nous consultons les cartes, et découvrons qu’un pont de chemin de fer enjambe la rivière à Mahina, à une quinzaine de kilomètres vers le Sud.  Nous espérons pouvoir y faire passer nos deux véhicules…

Arrivés sur place, un pont rutilant enjambe en effet la vallée. L’eau coule 15 mètres en contre-bas !  Pas vraiment rassurant…  Le HJ60 passe sans encombre, et Gérard et Jean-Jacques se rendent chez le chef de gare, pour lui soumettre une demande d’autorisation de passage sur le pont, pour l’Iveco.

Il nous explique que la structure vient à peine d’être terminée, et que, même si c’est lui qui possède le droit de décision, il faudrait en parler aux ingénieurs français qui sont arrivés la veille, pour assister à la réception de l’ouvrage par les autorités maliennes. Les ingénieurs, consultés, sont formels : passage interdit !

Pas vite découragés, surtout en considérant la longueur du détour à effectuer pour trouver un autre passage, nous retournons chez le responsable de la gare. Une belle liasse de francs CFA achève de le convaincre : finalement, le camion devrait, à la grande fureur des ingénieurs, passer sans encombre ! (Photo 1)

 

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Le pont de Mahina

A dire vrai, nous sommes vraiment inconscients, car si le pont cède, la chute dans le vide ne nous laissera aucune chance de survie !

L’Iveco s’avance. Je le guide, les jambes en coton. De part et d’autres des rails, des plaques métalliques ont été installées pour permettre le passage des ânes, des piétons et autres pétrolettes. Certainement pas pour supporter les quatre pattes d’un 14 tonnes ! Les roues avant arrivent sur les premières d’entre elles. Elles se déforment et s’enfoncent…mais elles tiennent. Je continue à avancer devant le camion, et je suis maintenant au-dessus du vide. Je pense à ma femme et mes enfants. Peut-être ne les reverrai-je jamais ! Chaque tôle passée est une victoire, mais malheureusement, sous les regards furibards des ingénieurs français, elle prend alors une forme creuse, qui semble définitive. Et les rivets sautent, les uns après les autres ! Je recule toujours, face au camion, pour enfin atteindre l’autre rive, sain et sauf, sous les applaudissements de mes camarades et de quelques badauds. Le spectacle du pont blessé ne fait pas vraiment notre fierté, mais enrage assurément les constructeurs, bafoués ! La réception du lendemain risque, en effet, de mal se passer !

Nous apprendrons, quelques temps plus tard, par des amis qui remontaient vers l’Europe, que le chef de gare, suite à cet « exploit », avait été jeté en prison ! Nous n’en tirâmes aucune gloire, mais plutôt un sentiment de honte. Pourtant, la corruption est, dans ce pays, érigée en principe. Ce n’est pas une excuse, certes, mais ceci explique sans doute cela.

Après avoir rejoint le Pinz sur la piste vers Kayes, nous longeons les chutes de Felou. Spectacle magnifique du fleuve qui semble escalader des murs rocheux.  (Photo 2)

 

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Les chutes de Felou

 

Nous arrivons à Kayes, où nous retrouvons le rallye et Vic. Il a réussi son pari : faire 10.000km seul à bord pour ramener la Subaru de Christine à Dakar ! Il prouvait à nouveau qu’il était un homme de défis, n’ayant peur de rien…

 

Nous poursuivons à présent vers Kidira, sur le parcours de la spéciale. Cela nous flanque un fameux coup de blues de voir les rescapés, dont nous aurions tous aimé faire partie, à ce stade de l’épreuve… Ce sera pour l’année prochaine, inch Allah !

 

A Tambacounda, nous trouvons un petit resto sympa : l’ « As du Cordon Bleu ». En guise de bienvenue, un panneau annonce : « Restaurant pour tous les goûts, et toutes les bourses ». Les prix sont en effet raisonnables, et les plats à la hauteur de nos espérances. Par contre, ici, on mange avec les mains : ça évite de devoir faire la vaisselle ! Pour l’étoile au Michelin, ils devront sans doute attendre. (Photo 3)

 

 

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Le resto à Tambacounda

Nous arrivons enfin à ce qui sera notre dernier bivouac avant Dakar, avant un retour à la civilisation : Malème Hodar. Une cérémonie de circoncision s’y déroule au son des tam-tams, accompagnés de chants joyeux, qui berceront notre repas. Dominique et Nanouk ont réussi à négocier quatre poulets, attrapés, décapités, vidés et plumés, en moins de temps qu’il faut pour le dire. Je m’empresse de les faire rôtir sur un barbecue de fortune, constitué d’une jante de Range Rover et de quatre démonte-pneus ! Le repas se termine par une mignonette de Moët (partagée en 10 !) et… un feu d’artifice, prévu à l’origine pour la plage de Dakar, et recyclé ! Puis nous nous  endormons une dernière fois sous la voûte céleste, où pétillent des milliers d’étoiles, qui couronnent ainsi magistralement ces vingt jours d’aventures, durant lesquels l’Afrique nous est apparue telle qu’elle est vraiment : magnifique, étrange, accueillante, et finalement encore très peu explorée. (Photo 4)Malème Hoddar

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Le lendemain nous arrivons à Dakar en fin de matinée. Plus personne ne parle dans les véhicules, comme si le fait de rester muet, nous donnait la faculté d’arrêter le temps, et de nous retenir ainsi encore un peu, sur ce grand et beau continent.

Après une journée passée dans les rues de Dakar, puis au marché des Voleurs, encore appelé « Patte d’Oie », nous terminons la journée au restaurant « Le Lagon », devant une montagne de langoustes !

(Photos 5 & 6)

 

 

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 le marché des Voleurs « Patte d’Oie »

 

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Resto Le Lagon à Dakar

 

Le lendemain, après un peu confortable voyage en avion, je rejoignais Paris. Ensuite le train me ramenait chez moi. Plusieurs jours me furent nécessaires pour me réhabituer à cette vie confortable d’Européen, et ce, malgré le grand bonheur de retrouver ma famille, après près d’un mois d’absence.

© Lucien Beckers (sources : Un prétexte pour 3 semaines de vacances- D. Fougerouse/ Inconnus)

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